Édito n°85
SAS dégrade
Au tableau des fausses bonnes idées, il y en a une qui tient le haut du pavé : le SAS. Le principe est alléchant. Vous êtes malade ? Appelez le 15 ! Vous serez orienté dans tous les cas : vers un service d’urgence si nécessaire ou vers la médecine générale. Le fameux SAS, pour service d’accès aux soins, permettant cet aiguillage dans la finesse ! Une doctrine en parfaite opposition avec toutes les campagnes précédentes sur les numéros d’urgence où l’on faisait appel au bon sens de la population pour ne pas engorger ces lignes dévolues aux urgences vitales.
Mis en place en 2021, au sortir de la crise Covid, ce dispositif obtient un résultat probant : + 68 % des Samu-SAS enregistrent une hausse significative des appels (lire notre enquête pages 18 à 21). Faut-il donc applaudir des deux mains ? Pas sûr. Un autre chiffre devrait doucher l’enthousiasme initial. Dans le même temps, seuls 10 % des Samu Centre 15 ont obtenu des renforts… Conséquence : la règle d’or du décroché en moins de 30 secondes est de plus en plus difficile à respecter. Or, dans le cadre d’une véritable urgence, nous connaissons tous la finalité…
Enfin, en première ligne, se trouvent des Assistants de régulation médicale (ARM) épuisés, contraints d’enchaîner des appels qui réclament une forte concentration et génèrent du stress. Si cette profession se structure et possède désormais ses propres centres de formation et diplômes, elle subit aussi de plein fouet cette situation. A tel point que nombreux sont contraints au repos forcé, voire changent d’orientation.
Pour pallier la désertification médicale et le manque de solutions offertes à la population, le SAS est agité comme un étendard de la réponse médicale. Il est à craindre que, tout en dégradant la réponse aux appels urgents, on se trompe de question en choisissant de se pencher sur l’orientation des malades. Ne devrions-nous pas plutôt nous concentrer sur les moyens engagés dans la santé en général, dans les services publics en particulier ?
Nicolas Lefebvre