Édito n°75
Indécence
Vingt-mille lieux sous les mers. Pardon, vingt-mille mètres carrés… C’est la zone couverte par les secours pour retrouver « Titan » disparu le 18 juin au large de la côte Est américaine. Ce sous-marin artisanal, puisque non homologué par les instances officielles, embarquait à son bord cinq passagers fortunés. Objet de la « visite » : l’épave du Titanic.
Les garde-côtes canadiens et la marine américaine ont diligenté des recherches colossales, lesquelles se sont poursuivies, à grand renfort médiatique, pendant des jours et des jours. De son côté, la France a déployé un navire de l’institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) avec un robot capable de descendre à 6 000 mètres. Sans oublier les Britanniques qui ont aussi offert leur concours et leur matériel spécialisé. Nous apprendrons finalement que le sous-marin a très rapidement implosé et qu’il gît par 4 000 mètres de fond, à quelques centaines de mètres de l’épave historique.
Autre rive, autre réalité. Le 14 juin, un chalutier faisait naufrage au large de la Grèce avec, à son bord, des centaines d’immigrés – 750 selon certaines sources ! – dont au moins 78 ont péri. Repérée, l’embarcation n’a pourtant pas été secourue. Les images de ces bateaux hors d’âge pleins à craquer tentant de rallier l’Europe sont malheureusement légion. L’accroissement des inégalités et la progression du réchauffement climatique ne faisant qu’accélérer le processus.
Tourisme d’un côté, exode de l’autre. Difficile de ne pas trouver le parallèle indécent, même si tout être humain mérite qu’on lui porte assistance en cas de difficulté de la façon la plus efficiente possible. Non d’ailleurs que les explorations, même expérimentales ne soient pas fascinantes. Elles le seraient s’il s’agissait de recherche fondamentale propre à enrichir le savoir de notre société, mais il s’agit bien ici de tourisme… D’une fascination morbide pour l’une des catastrophes maritime les plus médiatisées, il semblerait que ces explorateurs des temps modernes aient fini par écrire, à leurs dépens, une page de cette Histoire qu’ils étaient venus lire.
Nicolas Lefebvre