Édito n°74
L’hibernation au service de l’urgence
En période d’hibernation, le coeur de l’ours noir passe de soixante battements par minute, à moins de dix ! Sa respiration de trente à deux inspirations par minute… Objectif : minimiser la dépense en énergie à un moment où la ressource alimentaire est insuffisante. Après s’être gavé de baies sauvages pendant l’été, l’ours pèse d’ailleurs environ cent quarante kilos contre seulement cent en fin d’hiver… Le métabolisme des femelles est même capable de retarder la fécondation pour donner naissance au moment le plus propice à la survie du nouveau-né.
Ces considérations animales, certes fort intéressantes, vous semblent peut-être futiles à ce stade. Mais détrompez-vous ! Cette « pause dans l’existence » représente pour les scientifiques une source incommensurable de progrès. Imaginez un instant que l’on puisse appliquer à l’homme ce phénomène si fascinant de la nature. Cela ouvrirait de grandes perspectives pour le traitement de certaines urgences vitales.
Lors d’un accident vasculaire cérébral ou d’un arrêt cardiaque par exemple, une partie des tissus ne reçoit plus d’oxygène. Et, en l’absence d’un rétablissement rapide de la circulation sanguine, l’issue ne fait aucun débat. L’idée serait d’inverser le problème en ne traitant pas immédiatement l’offre (le besoin en oxygène), mais la demande, c’est à dire en réduisant ce besoin. Les hibernants ont ainsi la capacité à bouleverser leur métabolisme pour réduire drastiquement leur consommation. De fait, là où une intervention dans l’heure est aujourd’hui indispensable pour sauvegarder les fonctions vitales, nous pourrions demain être en mesure de patienter un, voire plusieurs jours, grâce à la mise en hibernation des cellules en danger. Et les domaines d’exploration ne manquent pas : contrôle de l’hypothermie, réversibilité de la maladie d’Alzheimer, traitement des maladies auto-immunes et bien sûr optimisation de la transplantation…
Si les recherches à ce sujet demeurent embryonnaires, elles ont d’ores et déjà démontré que l’humain dispose du matériel génétique nécessaire. Lors de vos promenades estivales cet été, vous ne verrez peut-être plus les marmottes du même œil.
Nicolas Lefebvre